J’ai enchaîné plusieurs tournois en ce début d’année, mon succès à Las Vegas m’ayant motivé. Ma soif de victoire était apparemment trop importante, à tel point que je n’ai pas pu l’apaiser. Il y avait pourtant beaucoup de très beaux tournois avec des fields beaucoup plus faibles que les WSOP ou que la plupart des EPT.
Je n’ai malheureusement fait aucun résultat :
- J’ai tantôt manqué de réussite - PPT Cannes et EPT London ; alors que j’étais proche de l’argent, j’ai encaissé à chaque fois un 2-outer dans un pot énorme ;
- J’étais tantôt “totally card dead” - High Roller et EPT Varsovie ; malgré les tables très faciles, je n’ai pas touché un semblant de jeu pour monter des jetons ;
- J’ai tantôt joué mon Z-Game - EPT Barcelone et le main event du WPT Marrakech où je reconnais avoir fait beaucoup trop d’erreurs que j’estime impardonnables ;
- J’ai tantôt joué face à des adversaires coriaces - WSOP Europe à Londres.
Plongeons nous dans le High Roller à Evian et son petit field de 30 joueurs et sa structure profonde sur 3 jours composés de nombreux joueurs français (re)connus pour leur jeu atypique et polémiques.
Il était temps de jouer au vrai poker et de profiter de l’esprit bienveillant auguré par AntoL avec sa victoire sur un side event et par Aurélien “Guignol” et son succès au Main Event.
Je suis très motivé de jouer mon A-Game et tenter de remporter ce SNG Multi-Table face à ces joueurs français.
Ces joueurs-là dominent le poker français et ont démontré qu’un jeu résolument instinctif pouvait prendre le dessus sur le jeu technique maîtrisé par beaucoup de joueurs online.
Au jour 2, sur les vingt joueurs restants, je me retrouve à la table des joueurs les plus dangereux : Roger Hairabedian, Eric Haik, Thomas Bichon, Jean-Paul Pasqualini, un jeune joueur hongrois pro… sans oublier Tallix et Michel Abecassis.
Il va sans dire que je connais très bien les membres du team; je connais les autres surtout pour leur réputation même si je les ai déjà rarement rencontré lors de certains tournois.
Avec une structure aussi deep (constamment 100BB) je devais continuellement adapter mon jeu aux styles de jeu emprunté par ces joueurs et observer, analyser sans relâche leur changement d’attitude afin de détecter leurs leaks. Je réfléchissais beaucoup entre les coups et je changeais de vitesse autant que possible.
Parlons de certains coups joués contre ces joueurs polémiques et du plan de jeu que j’avais préalablement adopté contre eux:
1) Roger
Roger Hairebedian est un joueur redoutable, très impressionnant à la table… il m’avait déjà fait beaucoup de misères au championnat de Belgique l’année passée.
Il prend le rôle de l’animateur à la table avec un jeu très créatif (beaucoup de limps et des constantes agressions).
Je vous raconterai deux coups face à Roger symptomatique de sa belle créativité:
1/ Je relance UTG+1 avec KQ sur la BB de Roger. Il paie… Flop 2 3 3. J’effectue un C-bet et là, il me fait une mini-relance… WTF does it means ? Je suis un peu troublé par ce move et je décide de payer pour voir le turn et peut-être improviser un petit quelque chose selon l’action. Le Turn est un As et Roger check. Sur cette carte je ne peux pas miser parce que Roger peut très bien avoir 45, A5 ou A4 voire même un 3. Ou tout du moins avoir l’envie de le représenter en me check-raisant.
Je check donc. La rivière est un 6 et Roger checke de nouveau. Je décide de checker aussi par grande curiosité de découvrir sa main : il possède 10 et 2… et remporte ce petit coup.
Il faisait donc un sacré raise pour info hors position : un move qui n’existe plus depuis longtemps et qui n’a peut-être même jamais existé… Un style quelque peu loufoque, capable du meilleur comme du pire : Roger s’adapte à tous les facteurs humains et émotionnels de ses adversaires.
2/ Ayant découvert un de ces leaks : “le raise pour info”, j’ai opté pour une line spécifique dans l’autre coup.
Roger raise ma BB, je possède JQ de cœur et paie. Personne n’attaque le flop QcQ5 et le tournant est un Ac. Je donk-bet 4,000 (soit le pot) et il me relance à 11,000. Là, je pense percevoir le sacré “raise pour info”, cette fois en position ce qui donne plus de sens pour pouvoir checker la rivière…
Si je lui reviens dessus tout de suite, je lui donnerai l’info qu’il est battu et il risque donc de folder. J’ai donc opté pour une longue réflexion suivi d’un call et d’un donk bet à la rivière à hauteur de 3/4 du pot pour lui faire croire que j’ai manqué un tirage. Cela a fonctionné : il a payé avec A3.
2) El Korsico
Jean Paul Pasqualini, dit El Korsico sur Winamax, est un joueur que j’ai déjà rencontré dans le challenge Cash Game sur Winamax : un tournoi Short Handed j’avais joué de manière particulièrement agressive, voire maniaque.
Je pense qu’il a une image de moi de joueur très “agressive”, capable de gros bluff… Il est relativement solide, expérimenté et n’est pas du genre à s’envoyer en l’air. J’ai déjà entendu parlé de ses gros call dans certains tournois.
Mon plan de jeu est donc de ne pas lui faire de gros bluff et de miser très fort avec du gros jeu afin de lui prendre un max de value tout en lui faisant croire à un bluff.
Je call une relance au bouton avec A4, puis un C-bet sur le flop 9d5d2. Le tournant est un magnifique 3 : il check et je mise à hauteur du pot. La rivière est un 8d et malgré le fait que la couleur soit rentrée, je mise à hauteur du pot à nouveau afin qu’il polarise ma main (flush ou absolument rien ?). Il paie… et muck.
3) Eric Haic
Eric Haik, joueur numéro 1 des classements français 2009. Je connais sa réputation de Sick Bluffeur : il a gaspillé plusieurs tournois en faisant d’énormes bluffs aux moments clefs. C’est un vrai joueur de live qui joue plus l’homme que ses cartes.
Mon plan de jeu sera d’”induce bluff” un maximum, pour le pousser à l’erreur…
1/ Il relance UTG sur une table où nous sommes six et je complète du BB avec 5h6h. Sur le flop 4 5 9h, je check-call son c-bet puis le tournant 4h ne provoque pas d’action. Sur la rivière, un As, je check et il mise à hauteur du pot… Je rentre dans une grande réflexion, je n’ai pas trop envie de payer mais la réputation d’Eric Haik me pousse à faire un bad ‘hero call’, il a AA.
2/ Il relance UTG en fin de Day2 et je trouve JJ au BB. Je le sur-relance de trois fois sa mise et il paie. Le flop est A K 6 : je crains que si je mise et qu’il me float/call cela me bloque le coup. Ce n’est pas le genre de joueur contre lequel il faut prendre le risque de 3 barrel.
On checke donc. Sur le tournant 8, je décide de bet afin d’être crédible sur une grosse main et il décide de me surrelancer… Ce raise polarise sa main, il ne peut plus avoir {AQ;AJ;AT} ou {Ax;KQ;KJ;KT}… Soit il a un monstre {AK;AA;KK;88;66;A8;A6}… soit il n’a rien du tout!
Je décide de payer sa mise de 27000 en me laissant un stack de 100,000 sur un average de 75,000.
La rivière est un roi. Je check, Eric prépare minutieusement des petits tas de jetons pour miser 47,500… Ma première idée est de payer : il ne représente même plus A8 ou A6, sa main se polarise complètement.
Très peu de joueurs sont capable de bluffer sur un board aussi dangereux face à un joueur qui a 3-bet preflop sans la position ; disons qu’il faut avoir des corones d’acier… Comment oserait-t-il me bluffer la river après mon call au turn ?
MAIS BON… il s’agit d’Eric Haik : l’homme qui bluffe plus vite que son ombre ! Je dois payer, je veux payer, je vais payer lorsqu’Eric d’une voix posé me dit: “Désolé Davidi mais je vais faire appel au Time”
Est-il tellement à l’aise ? Personne ne pourrait être aussi à l’aise en faisant un bluff aussi énorme, et puis je me souviens de mon call lorsqu’il m’a montré un full aux as.
Vingt secondes avant la fin du chrono, il trouve même le courage de me regarder droit dans les yeux ! Si je paie et que je perds le coup je serai shortstack alors que si je garde mes 100,000 de tapis… je pourrai jouer un poker deep ! Le mot call est resté bloqué au bout de ma langue… 5, 4, 3, 2, 1… Le croupier me prend mes cartes et Eric retourne un bluff : 9 et 10 !
Ce coup fût sans aucun doute le tournant de la partie : si je l’avais gagné j’aurai été énorme ce qui m’aurait permis de mettre la pression jusqu’à la bulle et cela aurait eu l’avantage de rendre Eric Haik moins dangereux car shortstack !
4) Thomas Bichon
Thomas Bichon (que j’ai déjà joué au high roller de Marrakech) est un joueur très solide qui a la capacité d’adapter son style de jeu face à ses adversaires. Ses seuls moves seront fait en position.
Mon plan de jeu face à lui est de l’éviter et d’attendre le bon moment pour faire des resteal preflop en le 3-bettant souvent. Nous nous sommes énormement 3-bet lors du day2. D’ailleurs, jamais ni lui ni moi n’avons réagi au 3-bet, aucun call et aucune relance…
Sur la première main de la troisième journée (il reste six joueurs), Thomas relance UTG. Je suis au SB avec KK et je le 3-bet. Il me call pour la première fois depuis le début du tournoi. Le flop est 2c3c7x. Je mise le quart de mon tapis. Il fait une mini-relance, j’envoie immédiatement tapis. Il me call et détient 77… Je suis éliminé en sixième position !
Il a gagné la bataille mais malheureusement pour lui pas la guerre… il terminera troisième et Eric Haik la gagnera. Je pense sincèrement qu’Eric l’a mérité, il a su changer de vitesse selon son tapis et profiter de l’historique de la partie pour placer des bluffs judicieux. J’ai énormément apprécié de jouer contre ces joueurs controversés du top français, je respecte infiniment leur jeu même s’il n’est parfois pas académique et qu’il contredit même de temps en temps la théorie.
En ce qui me concerne, il n’est pas évident de ne pas trouver la voie du succès pendant plusieurs mois. J’ai néanmois kiffé ces voyages et ces expériences notamment partagés avec mes amis Winamax et je réalise bien la merveilleuse chance qu’est la mienne de pouvoir vivre cette vie pleine… de surprises!
Je reste très optimiste pour les prochains tournois : le Master Classics d’Amsterdam, l’EPT Villamoura et le Championnat de Belgique ! J’espère que les bons résultats reviendront et confirmeront mon enthousiasme.
KitBul
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